Soutenance de thèse de Amandine MOREREAU

Ecole Doctorale
Sciences de l'Environnement
Spécialité
Sciences de l'environnement: Géosciences
établissement
Aix-Marseille Université
Mots Clés
archives sédimentaires,radionucléide,Loire,Rhône,
Keywords
Loire River,sediment cores,radionuclide,Rhône River,
Titre de thèse
Reconstitution à partir d'archives sédimentaires des concentrations et des sources des radionucléides ayant transité dans le Rhône et la Loire au cours de l'ère nucléaire.
Historical reconstruction from sediment cores of radionuclide concentrations and sources that transited in the Rhône and the Loire Rivers during the nuclear age.
Date
Mardi 24 Novembre 2020 à 14:00
Adresse
Centre de Cadarache Batiment 120 13115 Saint Paul Lez Durance
Amphithéatre
Jury
Directeur de these Mme Frédérique EYROLLE Aix Marseille Université
CoDirecteur de these M. Hugo LEPAGE IRSN
Examinateur M. Jörg SCHäFER Université de Bordeaux
Examinateur Mme Emmanuelle MONTARGèS-PELLETIER CNRS
Examinateur M. Loïc DUCROS Université de Nimes
Rapporteur Mme Marina COQUERY INRAE
Rapporteur M. François CHABAUX Université de Strasbourg

Résumé de la thèse

Le Rhône et la Loire sont les fleuves les plus nucléarisés de France avec plusieurs centres nucléaires de production d’électricité (CNPE). Dès le milieu du 20ème siècle, ce sont les premiers fleuves à avoir été industrialisés pour les activités du cycle du combustible nucléaire : le bassin de la Loire, avec ses sites uranifères exploités pour l’extraction du minerai d’uranium nécessaire à la fabrication du combustible nucléaire, puis la construction de réacteurs à usage civil ; le bassin du Rhône, avec le premier réacteur électronucléaire destiné à la production de plutonium à usage militaire et l’implantation du centre de retraitement du combustible irradié. La médecine, la recherche scientifique, l’agriculture ou encore l’horlogerie ont également conduit à introduire des radionucléides artificiels dans les fleuves ou à modifier les concentrations des radionucléides d’origine naturelle, i.e., le potassium-40. Ces fleuves ont aussi été le réceptacle de radionucléides artificiels issus de l’érosion des sols marqués par les retombées atmosphériques des essais nucléaires militaires réalisés entre 1945 et 1981, puis de l’accident de Tchernobyl en 1986. Si depuis le début des années 1980 la plupart des radionucléides qui transitent dans ces fleuves font l’objet d’une surveillance régulière, de nombreuses lacunes de connaissance demeurent aujourd’hui concernant les niveaux de concentration de certains pour lesquels les techniques d’analyses n’étaient pas développées (e.g., tritium organiquement lié, uranium-236) ou encore concernant leurs origines (bassin versant ou industries). Disposer de longues séries temporelles et connaître l’origine des radionucléides est fondamental pour mieux appréhender la trajectoire des radionucléides à l’échelle des bassins versants et évaluer le temps nécessaire à ces milieux pour épurer ces contaminants (résilience). Afin de répondre à ces enjeux, des archives sédimentaires ont été recherchées et collectées dans les zones d’accumulation sédimentaires du Rhône et de la Loire, d’une part à l’amont de toute installation nucléaire (archive de référence) ainsi qu’en aval du dernier affluent. Pour le Rhône, les résultats montrent que si les rejets radioactifs du centre de Marcoule dominaient avant les années 90, la mise en place en 1991 d’une nouvelle station de traitement des effluents liquides de faible radioactivité a permis de diminuer fortement et très rapidement les concentrations dans le milieu (par exemple, les isotopes du plutonium ont diminué en moyenne d’un facteur 10 en 3 années). Par ailleurs, l’utilisation de peinture tritiée au sein des ateliers d’horlogerie implantés dans le Haut-Rhône (1962 à 2008) a fortement marqué les sédiments du fleuve en tritium organiquement lié (TOL). Il faudra encore de 14 à 70 ans pour que le fleuve retrouve des niveaux en TOL tels que ceux observés aujourd’hui dans la Loire, un fleuve non soumis à ce type de contamination. Pour la Loire, l’étude des descendants de l’uranium-238 a permis de discriminer les apports issus des exploitations minières d’uranium. Ces résultats originaux indiquent que les rejets de l’industrie minière ont entrainé un enrichissement des sédiments en thorium. Par ailleurs, de l’uranium-236 et des isotopes du plutonium provenant de rejets accidentels du CNPE de Saint-Laurent-des-Eaux (1969 et 1980) ont également été identifiés. Ces marquages décroissent progressivement au cours du temps. Le Rhône et la Loire montrent ainsi une résilience relativement rapide face aux contaminants radioactifs introduits depuis le milieu du siècle dernier. Appliquer cette démarche aux autres bassins nucléarisés français permettrait de reconstituer l’historique de la contamination nucléaire à l’échelle nationale et d’affiner les paramètres génériques naturels ou anthropiques gouvernant les trajectoires des radionucléides et la résilience des fleuves soumis à ces contaminants, y compris dans des situations post accidentelles.

Thesis resume

The Rhône and the Loire are the most nuclearized large rivers in France with several nuclear power plants (NPPs). From the middle of the 20th century, these are the first rivers that have been industrialized for nuclear fuel cycle activities: the Loire basin, with its uranium sites exploited for the extraction of the uranium ore necessary for the manufacture of nuclear fuel, then the construction of reactors for civil use; the Rhône basin, with the first nuclear power reactor intended for the production of plutonium for military use and the establishment of a spent fuel reprocessing center. Medicine, scientific research, agriculture or even watchmaking industries have also led to the introduction of artificial radionuclides into rivers or to the modification of the concentrations of radionuclides of natural origin, i.e., potassium-40. These rivers were also the receptacle of artificial radionuclides resulting from the erosion of soils labelled by atmospheric fallout from military nuclear tests carried out between 1945 and 1981, then from the Chernobyl accident in 1986. Since the beginning of the 1980s, most of the radionuclides transiting in these rivers are subject to regular monitoring. Nevertheless, many knowledge gaps still remain nowadays concerning the concentration levels of some for which analysis techniques were not developed (eg, organically bound tritium, uranium-236) or concerning their origins (watershed or industries). Having long time series and knowing the origin of radionuclides is fundamental to better understand the trajectory of radionuclides at the watershed scale and to assess the time needed for these environments to clear these contaminants (resiliency). In order to respond to these challenges, sedimentary archives were researched and collected in sediment accumulation zones of the Rhône and the Loire Rivers, on the one hand upstream of any nuclear installation (referential archives), on the other hand, downstream of the last tributary. For the Rhône River, the results show that although radioactive discharges from the Marcoule center dominated before the 1990s, the establishment in 1991 of a new treatment station for low-level liquid effluents allowed to greatly and very quickly reduce concentrations in the aquatic environment (for example, isotopes of plutonium have decreased on average by a factor of 10 in 3 years). In addition, the use of tritiated paint in watchmaking workshops located in the Haut-Rhône (1962 to 2008) strongly labelled the sediments of the river in organically bound tritium (OBT). The river will need 14 to 70 years to return to OBT levels such as those observed today in the Loire River, a large river which is not subject to this type of contamination. For the Loire River, the study of the uranium-238 daughter isotopes allowed to discriminate the contributions from uranium mining. These original results indicate that discharges from the mining industry have led to an enrichment of sediments in thorium. In addition, uranium-236 and plutonium isotopes from accidental releases from the Saint-Laurent-des-Eaux NPP (1969 and 1980) have also been identified. These markings gradually decrease over time. The Rhône and the Loire thus show a relatively rapid resiliency facing to radioactive contaminants introduced since the middle of the last century. Applying this approach to other French nuclearized basins would allow to reconstruct the history of nuclear contamination on a national scale and to refine the generic natural or anthropogenic parameters governing the trajectories of radionuclides and the resiliency of rivers subject to these contaminants, including in post-accident situations.